Actualité
contraceptifs oraux chien et chat : durcissement injustifié
Sur le site de l’ANSES, en appui du durcissement de la législation sur les contraceptifs oraux chien et chat, a été publié le 19/05/2022 un article intitulé : « Pilules contraceptives pour chattes et chiennes : des médicaments qui doivent être prescrits par un vétérinaire ».
Dans cette publication, l’ANSES rappelle une vérité banale : « les contraceptifs ont des effets secondaires »… « Et une vingtaine de déclarations d’effet indésirable sont reçues chaque année par l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV), au sein de l’ANSES ». Voilà l’argument « massif » sur lequel se base l’agence pour renforcer les contraintes et augmenter indirectement le prix de la contraception en cette période d’inflation. 20 cas sur au moins 200 000 animaux traités et 400 000 boites vendues soit une incidence de 0,00005 ou 0,005 % d’effets secondaires présumés par boite vendue ! Est-ce bien sérieux de la part d’une agence publique à vocation scientifique ? Et en quoi une prescription vétérinaire peut-elle réduire ce risque ?
Pharmacovigilance, une approche biaisée
Tout d’abord, l’approche générale de l’ANSES nous apparait totalement biaisée ! Nous remettons en cause la source des données de pharmacovigilance prises en compte, à la fois juge et partie, c’est-à-dire les vétérinaires.
C’est cette source unique qui alimente la réflexion des agences, tout en ayant un intérêt catégoriel à augmenter le nombre de stérilisations et à réduire l’importance de la contraception médicale. Ce conflit d’intérêts saute aux yeux !
Le nombre de déclarations de pharmacovigilance devrait d’ailleurs être comparé à celui établi avant 2012, pour déterminer si en augmentant ce nombre, les vétérinaires ne viendraient pas faire barrage à la contraception orale.
Aucune étude sérieuse
Second point de méthode qui nous paraît défaillant, l’ANMV ne communique aucune comparaison chiffrée entre pathologies apparues chez des animaux non stérilisés sans contraception (qui par définition ne font pas l’objet de déclaration de pharmacovigilance) et animaux non stérilisés sous contraceptifs oraux.
Or, plusieurs études ont établi que les animaux non stérilisés ont un risque de tumeurs mammaires et de pyromètre augmenté par rapport à ceux stérilisés. L’ANMV devrait donc s’appuyer sur la différence d’incidence entre les deux populations pour calculer le risque supplémentaire lié à l’administration de contraceptifs oraux. Nous attendons toujours cette publication !
Nous notons aussi une approximation irrecevable concernant le lien entre l’apparition d’une pathologie individuelle de la reproduction (tumeurs, pyromètres) et la contraception orale, qui n’est pas établi scientifiquement, mais empiriquement, à priori. Pour chaque cas de pharmacovigilance, l’influence de l’âge, de l’hérédité (pour les tumeurs), du mode de vie, de l’état immunitaire, etc., ne sont pas explorés, afin de discerner quel est le facteur déterminant de la pathologie.
Enfin, il faudrait mettre en rapport le nombre de déclarations de pharmacovigilance supposées – 20 au total - liées à la contraception et le nombre de boîtes de contraceptifs vendues chaque année, presque 400 000.
La visite vétérinaire préalable ne sert à rien
Mais à supposer que nous ayons bien un faible taux d’effets secondaires néfastes de la contraception orale pour l’animal — accepté pour l’humain — aucun élément ne permettrait de penser qu’une simple visite vétérinaire préalable, sans échographie, sans prise de sang, pourrait réduire le risque lié à la contraception. À la limite une visite de contrôle, avec échographie abdominale, tous les 3 mois serait plus pertinente médicalement.
Et dans l’état actuel de la législation, si un propriétaire décidait d’administrer à vie un contraceptif à son animal, en allant tous les 3 mois chez son vétérinaire pour obtenir une nouvelle ordonnance, rien ne l’en empêcherait.
C’est seulement dans le cas chanceux, où, le jour de la visite, l’animal semblerait malade où il présenterait des pertes ou une tumeur, que le vétérinaire pourrait suspecter une pathologie de la reproduction et refuser le renouvellement. Mais ce serait déjà trop tard !
Le passage sur prescription des contraceptifs oraux est un échec ! Ce n’est donc pas la bonne méthode.
Les vétérinaires veulent imposer la stérilisation
La réalité de cette affaire est simple : les vétérinaires, à juste titre, pour la santé de l’animal, et à moins juste titre pour des motivations économiques, veulent imposer de fait la stérilisation chirurgicale.
Ils ont aussi fait le choix, sans le dire explicitement, d’éradiquer la contraception orale. D’ailleurs, ils ne font presque jamais d’ordonnance sur ce thème, préférant, lorsqu’une contraception orale leur est demandée, « suggérer fortement » la forme injectable qui s’avère plus dangereuse que la forme orale et qui leur rapporte bien plus.
L’administration se couvre
Selon le fameux principe de précaution, l’administration se couvre. Mais ce faisant elle ne prend pas en compte les besoins du public, la lutte contre la prolifération animale incontrôlée, l’intérêt économique des propriétaires et le respect de leur libre choix pour les traitements de leurs animaux de compagnie.
Elle ignore volontairement la vérité scientifique du risque encouru, se réfugiant derrière les déclarations de pharmacovigilance des vétérinaires plutôt que derrière des données d’AMM sérieuses et statistiquement solides sur la seule question pertinente : de combien la contraception orale augmente le risque chez un animal non stérilisé ?
Nous attendons toujours une publication scientifique sérieuse de l’ANMV sur le taux d’effets secondaires néfastes, rapporté au nombre de délivrances (traitements), sur une période allant de 2010 à 2020. Ainsi qu’une présentation impartiale du taux différentiel de risque entre animaux non stérilisés sous contraception orale — avec et sans prescription vétérinaire — et animaux non stérilisés sans contraception.
Prendre des mesures efficaces
Nous pensons, avec une logique assez implacable, que si les contraceptifs oraux sont fortement toxiques pour les animaux, alors il y a bien longtemps qu’ils auraient dû être interdits pour tous et la stérilisation rendue obligatoire. Cette mesure, attentatoire aux libertés, ne serait sans doute pas bien perçue par les quelque 200 000 propriétaires qui utilisent chaque année des contraceptifs oraux.
Si l’objectif est de limiter leur usage, pour prévenir la toxicité à long terme, alors plusieurs mesures s’imposent :
— Il faut interdire le renouvellement, après un nombre de délivrances données, en utilisant le numéro d’identification de l’animal et proposer une stérilisation chirurgicale gratuite ou à tarif réduit fixe, avec un bon spécial contenu dans chaque boîte de contraceptif.
— Il faut aussi mettre sur les boîtes — car le public lit peu les notices — « dangereux pour sa santé », comme pour le tabac.
— Il faut rendre obligatoire un questionnaire pertinent avant la délivrance : « votre animal a-t-il des pertes anormales ? Avez-vous senti au préalable une masse sur les mamelles ? Etc.. »
Autant de mesures bien plus efficaces que la simple mise sur prescription qui a montré toutes ses limites.
La stérilisation est moins nocive que la contraception, mais…
Oui, sur le temps long, la stérilisation chirurgicale est préférable à la contraception médicale pour la santé de l’animal, nous le rappelons aussi à nos lecteurs pharmaciens, car c’est prouvé !
Mais à défaut de rendre la stérilisation obligatoire pour tous les chats et chiens de France, avec une dérogation pour les reproducteurs, la législation sur la délivrance des contraceptifs oraux devrait enfin tenir compte de la réalité de la lutte contre la prolifération des animaux errants, notamment les chats, des habitudes des propriétaires et des contraintes économiques.
Elle devrait s’appuyer sur ses deux jambes : vétérinaires et pharmaciens. Les officines ont prouvé, lors de la crise de la Covid, autrement plus grave, qu’on pouvait leur confier des missions de santé complexes : vaccins, tests… Et elles seraient incapables de vérifier avec un propriétaire de chat que l’animal va bien, qu’il n’a pas de perte ou de tumeur, ainsi que de l’informer sur les risques d’une contraception trop longue ?
L’ANMV fait fausse route et les nouvelles mesures de restriction ne feront qu’augmenter le coût de la contraception sans rien changer pour la santé des animaux.
Voici les nouvelles mesures prises par l’Anses
1) Les libellés des RCP et des notices vont être complétés en
y ajoutant les messages suivants :
– Arrêter le traitement et contacter un vétérinaire en cas d’apparition d’effets indésirables ;
– en raison du risque d’effets indésirables graves, ce médicament est à administrer uniquement après une analyse bénéfice/risque réalisée par un vétérinaire ;
– le risque d’effet indésirable grave augmentant avec la durée de traitement, l’administration doit être limitée à une durée la plus courte possible ;
– le risque d’effet indésirable grave augmentant en cas de surdosage, l’animal doit être pesé avant prescription et la dose, ajustée à son poids.
2) La taille des conditionnements autorisés va être réduite afin que la durée de traitement par boîte n’excède pas trois mois (dans l’indication de prévention des chaleurs pour une chatte de 5 kg).
3) L’Anses va communiquer sur ces nouvelles mesures dans la presse professionnelle des pharmaciens. À cette occasion, il sera fait un rappel aux pharmaciens de l’ensemble des effets indésirables possibles pour les animaux traités :
– modifications comportementales, polyphagie, diabète sucré ;
– atteintes de l’appareil reproducteur (métrites, infections et tumeurs utérines, kystes ovariens, vaginite) ;
– atteintes mammaires (hyperplasies mammaires, tumeurs) ;
– décès de l’animal des suites des effets indésirables consécutifs à leur traitement rapporté dans près de 20 % des cas déclarés à l’Anses-ANMV entre 2016 et 2019 (combien de cas ?).
4) Afin de sensibiliser les propriétaires d’animaux vis-à-vis des risques inhérents
à l’administration de ces traitements et aux précautions d’utilisation qui en
découlent, un article leur étant destiné sera publié sur le site internet de l’Anses-ANMV. Il y sera également rappelé l’absolue nécessité de consulter un vétérinaire, qui sera à même de mettre en place un traitement adapté à chaque animal, afin de limiter le risque de survenue d’effets indésirables.
5) Les laboratoires qui commercialisent ces médicaments vont également devoir
adresser une lettre à l’ensemble de leurs clients (pharmaciens et vétérinaires) afin de les informer de ces nouvelles mesures.
* Anses : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail — * ANMV : Agence nationale du médicament vétérinaire.
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