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Arthrose : dépistage et conseil
Dépister l’arthrose chez le chien, accompagner le traitement du vétérinaire, donner des conseils hygiéniques et proposer des produits sans prescription et des aliments complémentaires, tels sont les objectifs que doit se fixer l’équipe officinale pour répondre aux besoins des propriétaires d’animaux.
Dans le dernier tiers de leur vie et parfois même bien avant, tous les chiens sont susceptibles d'être affectés par l’arthrose. C’est donc un domaine de conseil à fort potentiel pour l’officine. L'arthrose se soigne, mais ne se guérit pas, elle se caractérise par la dégénérescence du cartilage articulaire s'accompagnant de modifications osseuses. La dégradation de l'articulation est inévitable avec le temps. Tout défaut de congruence articulaire va induire des contraintes anormales sur cette dernière et favoriser le développement de l’arthrose. C’est le cas, notamment, de l'arthrose de la hanche qui est souvent une complication de la dysplasie de la hanche (anomalie de conformation articulaire). Les traumatismes osseux et articulaires comme les luxations, les fractures et les entorses peuvent évoluer vers l'arthrose. L'excès de poids favorise aussi cette affection.
Tout commence par un dépistage de cette pathologie au comptoir ou par le diagnostic du vétérinaire et l’insertion de la pharmacie dans le cercle de soin de l’animal.
Dépistage au comptoir
L’attention du pharmacien doit être attirée par une demande de conseil suite à une boiterie. Après avoir exploré les données sur le chien lui-même (âge, race, poids, état de santé, appétit, prise de boisson), le pharmacien doit appliquer un questionnaire rapide pour explorer la boiterie : Arthrose ou traumatisme ?
- Dépistage de l’arthrose : l’animal a-t-il du mal à se lever ? Du mal à marcher ? À froid ? À froid et chaud ? Quel membre semble le plus douloureux ? A-t-il eu des radios chez un vétérinaire ?
- Traumatisme : Y a-t-il eu un traumatisme ? Que s’est-il passé ? Quel membre est-il touché, est-il bloqué ? Un membre est-il maintenu en l’air en permanence ? Depuis quand ? Est-il gonflé, y a-t-il des craquements ? Fracture ?
Les réponses à ces questions permettent très souvent de dépister le sujet arthrosique avec une forte probabilité : le propriétaire vous décrit une boiterie « à froid », c'est-à-dire après une immobilisation telle qu’une nuit de sommeil ou un trajet en voiture, ou au contraire, après un exercice prolongé. Cette suspicion doit être confirmée par le vétérinaire. Il faut donc conseiller systématiquement de consulter pour un contrôle radiographique. Cela ne contre-indique pas un traitement d'attente à l'aide de produits sans prescription. Dans certains cas, le questionnaire confirme que le vétérinaire a déjà diagnostiqué l’affection par radiographie ou l’a déjà suspectée cliniquement lors d’une consultation.
En aucun cas, une suspicion ne vaut diagnostic de certitude. Rappelons qu’il existe de multiples causes de boiterie :
• Chocs, traumatismes, tendinites aiguës ou entorse, rupture du ligament croisé (genou), fractures... Le diagnostic repose sur un examen orthopédique et la radiographie.
• Tumeurs osseuses : surtout chez les grands chiens.
Soyez donc prudents et évaluez le risque avant tout conseil.
• Risque fort : animal âgé, état général perturbé, perte d’appétit, fracture, perte appui permanent sur un membre, gonflement important...
- Conseils : consultation vétérinaire en urgence + repos + immobilisation du membre atteint.
• Risque faible ou modéré : chien en bon état général, appétit conservé, boiterie à froid qui régresse à chaud, boiterie suite à surmenage sans perte permanente d’appui…
Dans ce cas, votre conseil est souhaitable, en attendant la consultation du vétérinaire.
Produits sans prescription
Votre conseil se bâtit en deux étapes bien distinctes : produits sans prescription – accompagnement de la prescription vétérinaire, notamment pour les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). L’objectif est d’augmenter le confort de l’animal tout en limitant la progression de la maladie.
1) Les chondroprotecteurs
Les chondroprotecteurs doivent être conseillés à l’officine lors de pathologie arthrosique. Ces aliments complémentaires contribuent au maintien de la mobilité. Rappelez que l’association avec les anti-inflammatoires sur prescription est possible. En prévention, chez un chien de grande race prédisposé aux maladies dégénératives du cartilage, le conseil peut démarrer dès 5 ans. Les autres cas de conseil classiques sont : le chien de plus de 8 ans, le chien de grande taille souffrant de dysplasie ou de surcharge pondérale, le chien de race lourde à croissance rapide, le chien en convalescence après une chirurgie.
Après une période initiale de 4 à 8 semaines à dose maximale, les chondroprotecteurs sont ensuite utilisés par cures de 10 à 21 jours à une dose plus faible, plusieurs fois dans l’année ou en continu (en fonction des indications de la notice).
Intéressez-vous à la notice et à la composition des produits que vous conseillez. La teneur en chondroïtine sulfate – en général entre 400 et 800 mg par comprimé ou prise - est importante. En effet la chondroïtine fournit un protéoglycane essentiel de la matrice qui intervient dans l’inhibition des enzymes responsables de la dégradation des cartilages articulaires et contribue à la diminution de l’inflammation.
D’autres molécules sont utiles et souvent associées, comme la glucosamine qui stimule la synthèse du collagène et des protéoglycanes (dont la chondroïtine sulfate) par les chondrocytes et de l’acide hyaluronique par les synoviocytes ; le hyaluronate de sodium qui confère au cartilage ses propriétés d’élasticité et de solidité, les plantes (Harpagophytum, Reine des Prés, Ficus, Equisetum) pour leurs composants anti-inflammatoires naturels… Et bien d’autres encore.
2) Homéopathie
Vous pouvez associer à l’aliment complémentaire un conseil en homéopathie. L’Arnica 7 ou 9 CH réduit la douleur. D’autres remèdes sont aussi indiqués à plus long terme pour leurs propriétés anti-inflammatoires et antalgiques : Colchicum 9 CH, Rhus tox 5 CH, Bryonia 9 CH, Rhododendron 9 CH, Solidago 9 CH… Un complexe homéopathique facilite le conseil pour associer différents remèdes : Traumasédyl PA.
3) Phytothérapie
En phytothérapie, c’est l’harpagophytum à la posologie minimale de 20 mg d’harpagoside par jour qui est le plus utilisé, en cure régulière de dix jours par mois. D'autres plantes comme La Reine-des-prés, le Fucus et l’Equisetum ont aussi un effet anti-inflammatoire doux.
Produits avec prescription
Les médicaments utilisables contre la douleur et l’inflammation chez le chien peuvent appartenir à des classes très diverses, mais ils sont tous sur prescription. Un effet pervers de cette législation est d’encourager la délivrance des médicaments pour humains en OTC. Ne cédez pas à cette tentation qui peut être à l'origine de graves accidents thérapeutiques chez le chien et dont vous seriez pleinement responsables. L'Aspegic enfant nourrisson est le moins dangereux à condition de ne pas dépasser 10 mg/kg sur 24 heures pendant moins de 3 jours et de ne pas excéder 500 mg sur un grand chien.
Dans des cas d’urgence, certains pharmaciens – à l’instar de ce qui se pratique en conseil pour humain – délivrent les AINS sans prescription. Rappelons quelques règles de bon sens pour éviter les accidents graves : questionnaire de dépistage des insuffisants rénaux et hépatiques (augmentation de la prise de boisson) connaître la posologie des produits délivrés et recommander la demi-dose, prise lors des repas, pas de traitement de plus de 3 jours, arrêt en cas de vomissement.
Pour respecter la législation, l’administration d'AINS doit toujours faire l’objet d’un examen vétérinaire préalable, car il existe des contre-indications à un tel traitement. Par ailleurs, le chien traité au long court (chiens arthrosiques notamment) doit être suivi régulièrement (vérification des paramètres hépatiques et rénaux). Les AINS couramment prescrits en médecine canine sont le méloxicam (Métacam et nombreux génériques), le carprofène, l’acide tolfénamique, le robenacoxib et le firocoxib. Ils se présentent pour la majorité sous forme de comprimés à administrer de préférence avec les repas pour améliorer la tolérance digestive. Le méloxicam est également disponible sous forme de solution buvable et depuis peu, sous la forme de spray buccal. Il est important de rappeler à vos clients la possibilité d’effets secondaires, essentiellement d’ordre digestif (diarrhée, vomissements), nécessitant alors un contrôle chez le vétérinaire.
Les corticoïdes sont aussi des molécules couramment utilisées en médecine vétérinaire lors d’affections ostéoarticulaires. Les principaux corticoïdes prescrits sont la méthylprednisolone et la prednisolone sous forme de comprimés. Lors de traitement au long court (sur plusieurs jours voire semaine), les corticoïdes sont généralement prescrits en jours alternés, en recherchant la dose minimale efficace. Informez sur les différents effets indésirables : possibilité d’augmentation de la prise de boisson et de la quantité d’urines émises, d’augmentation de l’appétit, modifications comportementales (excitation ou au contraire dépression) dans les jours qui suivent l’initiation du traitement. Rappelez au propriétaire la nécessité de bien suivre le traitement prescrit et de signaler à son vétérinaire tout effet indésirable survenant en cours de traitement.
Stratégie de conseil
Votre conseil doit s’adapter au degré d’évolution de l’arthrose, à l’inconfort du chien et à sa mobilité. Il doit combiner le traitement de fond du cartilage sans prescription et la lutte contre la douleur avec prescription.
Pensez à communiquer sur votre capacité à fournir les médicaments sur prescription et à bien rappeler les points suivants au moment de la délivrance :
- Administrer les AINS au moment du repas ;
- En cas de vomissement, avertir le propriétaire d'interrompre le traitement.
- Conseillez de réduire les posologies de moitié pour les chiens très âgés ou buvant beaucoup, en attendant un contrôle biochimique chez le vétérinaire.
Rappelez que l’administration d’AINS sur une longue période doit s'accompagner d'une surveillance régulière de la fonction rénale et hépatique.
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