Dossiers
Maladie de Cushing : très fréquente !
La maladie de Cushing est une maladie endocrinienne hautement fréquente chez le cheval âgé que tout pharmacien qui sert une importante clientèle de propriétaire de chevaux doit connaître. Elle touche environ 20 % des chevaux de plus de 20 ans et jusqu’à 40 % des sujets au-delà de 30 ans. Il est donc nécessaire pour l’équipe officinale de savoir suspecter cette pathologie afin d’initier ou d’accompagner le traitement du vétérinaire.
Tout commence par un questionnaire au comptoir : tout d’abord sur l’animal, puis sur la pathologie. Concernant l’animal, l’espèce d’équidé, la race et surtout l’âge sont des informations indispensables à obtenir.
Signes au comptoir : cheval hirsute
La maladie de Cushing (dysfonctionnement endocrinien hypophysaire) touche principalement les sujets âgés. Un cheval peut être considéré comme âgé à partir de 20 ans, tandis qu’un poney ou un âne sera considéré comme vieux plutôt vers 25-30 ans. L’âge maximum atteint par les équidés est de 40 à 45 ans (quelques exceptions allant jusqu’à 54 ans) avec une sur-représentation des poneys et des ânes dans les catégories les plus âgées.
Au comptoir, clarifiez d’emblée l’âge de l’équidé ainsi que la date de sa mise à la retraite. L’interrogatoire du propriétaire s’avère essentiel pour visualiser les conditions de vie et d’entretien du cheval, et connaître les principales pathologies déjà diagnostiquées (infectieuses, digestives, ostéo-articulaires ou endocrinologiques) afin de répondre avec précision aux questions que se pose le propriétaire.
Concernant les signes au comptoir, le retard de la mue et la présence d’un poil anormalement long et bouclé, dit hirsute, doivent attirer votre attention. Ce n’est pas un processus normal du vieillissement, mais plutôt un signe pathologique, pathognomonique de la maladie de Cushing.
Les autres signes qui doivent évoquer la maladie sont : une augmentation de la prise de boisson (le cheval boit sans arrêt), des fourbures fréquentes et des infections à répétition.
Le propriétaire vous rapporte parfois une atrophie musculaire avec un abdomen distendu. Le cheval atteint présente souvent un comportement léthargique, une sudation importante, un amaigrissement et une amyotrophie généralisée. Il décrit parfois une répartition anormale des masses graisseuses autour des yeux, de l'encolure, de la base de la queue ou des postérieurs.
Comprendre la maladie
Comme chez l’homme et le chien, les signes liés à ce type de maladie encore appelé syndrome de Cushing résultent d’une hypercortisolémie chronique dont les causes sont diverses : iatrogénique (suite à des traitements répétés aux corticoïdes) ; surrénalienne (tumeurs de la surrénale) ; dysfonctionnement de l’axe hypothalamo-hypophysaire conduisant à une hypersécrétion d’ACTH : c’est la maladie de Cushing au sens strict, encore appelée DPIP, ou Dysfonction de la Pars Intermedia de la Pituitaire par les vétérinaires. En effet, chez le cheval, l’hypophyse est divisée en trois parties : pars tuberalis, pars intermedia et pars distalis. La production d’ACTH, qui stimule le cortex surrénalien et induit la sécrétion de cortisol, se fait surtout par la pars distalis. La pars intermedia subit un contrôle inhibiteur par la dopamine secrétée par l’hypothalamus. Quant à la pars distalis, elle est contrôlée par des hormones endocriniennes. En vieillissant, le cheval peut présenter une dégénérescence de l’hypothalamus qui ne produit plus assez de dopamine. Il s’en suit une absence d’inhibition sur la pars intermedia qui provoque une sécrétion anormalement élevée d’ACTH, d’où une hyperstimulation des surrénales avec production massive de cortisol.
Le dosage de l'ACTH endogène est donc l'examen complémentaire de référence qui permet de confirmer la suspicion diagnostique. Les seuils de détection sont adaptés en fonction de la saison et une sérologie est considérée comme positive quand le taux d’ACTH est supérieur à 29 pg/ml de novembre à juillet et à 47 d’août à octobre.
Conseil et traitement
Il existe un site internet spécialisé pour les vétérinaires et les propriétaires qui peut aussi vous aider dans votre conseil : http://www.cushing-cheval.fr. Ce site a été mis en place par Boehringer-Ingelheim qui propose un traitement pour la maladie.
Comme l’indique le site et tous les vétérinaires consultés, il n’existe pas de traitement curatif de la maladie de Cushing qui régénère la pars intermedia de l’hypophyse. Pour les syndromes iatrogènes, l’arrêt des corticoïdes peut donner des résultats. Pour les tumeurs, les opérations de la surrénale en théorie possible sont inenvisageables.
Les traitements symptomatiques, sur prescription vétérinaire, permettent à certains chevaux atteints de retrouver une vie normale pendant plusieurs années. Des conseils simples contribuent aussi à une meilleure qualité de vie.
1) Conseils
- Alimentation et aliment complémentaires
Conseillez une alimentation à faible teneur en sucre et en amidon, comme celle que l’on distribue aux chevaux prédisposés à la fourbure. Cette alimentation exclut généralement la luzerne et les céréales, mais autorise le foin et les granulés de foin. Il existe des aliments conçus spécifiquement pour les chevaux présentant des troubles endocriniens.
Recommandez, un aliment complémentaire riche en vitamines, notamment la vitamine C et E. En outre, si le cheval est devenu trop maigre à cause de la maladie, il est préférable de le séparer temporairement des autres animaux.
- Pansage et tonte régulière
Un pansage et une tonte régulière permettront de surveiller les problèmes cutanés et d’aider le cheval à se sentir mieux. S’il a des difficultés à contrôler sa température corporelle, conseillez de fournir un abri et une couverture.
- Soins des pieds
Des soins des sabots réguliers par un maréchal-ferrant aideront le cheval à éviter une poussée de fourbure.
- Contrôles vétérinaires réguliers
Des examens vétérinaires réguliers permettront de vérifier l’efficacité du traitement et de l’ajuster si besoin.
2) Traitements
Le vétérinaire dispose de plusieurs molécules pour traiter le syndrome de Cushing : mésilate de pergolide, mésilate de bromocriptine ou hydrochloride de cyproheptadine... Leur intérêt est de ralentir le processus afin d’améliorer la qualité de vie et éviter l’apparition de complications invalidantes.
Le traitement médical de référence cible la glande pituitaire (médicaments de la classe des agonistes dopaminergiques). En palliant le défaut de sécrétion en dopamine à l’origine de cette affection, il favorise le retour à la normale.
- Le mésilate de pergolide (Prascend) est le seul agoniste dopaminergique sélectif disponible avec AMM cheval. Le traitement à vie requiert la prise d'un comprimé par jour de pergolide (1 mg). Le pergolide s'emploie à la dose initiale (2 microg/kg, soit 1 comprimé de 1 mg pour un cheval de 400 à 600 kg). Les posologies sont ajustées à la dose minimale efficace après quelques semaines.
- Le mésilate de bromocriptine est disponible chez l’homme (Parlodel) et peut faire l’objet d’une préparation. Son principal intérêt est économique. Il représente une alternative en cas d’échec du pergolide.
- L’hydrochloride de cyproheptadine est aussi disponible chez l’homme (Périactine). Il peut aussi faire l’objet d’une préparation. Il peut entrainer une somnolence. C’est une autre une alternative en cas d’échec du pergolide.
Des dosages d'ACTH quelques semaines après le traitement permettent d'ajuster la dose et la durée de la médication. Certains chevaux ne répondent au traitement qu’après un temps plus ou moins long. Retenez qu’il faut ajuster les traitements en fonction de la réponse individuelle. Il faudra aussi tenir compte de la saison. Une étude anglaise a montré une augmentation significative de la concentration en ACTH sur un groupe de chevaux atteints du Cushing au cours des mois d'août, septembre et octobre par rapport à un groupe témoin sain. Ces mois sont donc particulièrement à suivre au niveau du traitement. Les sujets traités se portent généralement mieux. Après traitement, dans 75 % des cas, on observe une diminution de 50 % de l'ACTH dans le sang.
En cas d’échec à la pergolide, les vétérinaires conseillent alors de changer de molécules ou associer plusieurs molécules. Notez que certains chevaux sous traitement peuvent présenter des effets secondaires variés : diarrhée, léthargie, anorexie, nervosité...
Seule une équipe officinale bien formée peut contribuer au délicat suivi de la maladie de Cushing. Étant donné la fréquence de cette pathologie et son impact sur toute la fin de vie du cheval atteint, l’investissement en veut la chandelle.
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