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Liste des exonérations, bientôt la fin ? Interview Jean-Pierre Orand, Directeur de l’ANMV*
La nouvelle législation européenne sur le médicament vétérinaire sera transposée dans notre législation nationale, d’ici environ un an. La liste des exonérations, véritable verrou administratif pour la mise sur le marché de médicaments sans ordonnance, pourrait alors être remplacée par un système plus simple et plus transparent basé sur des critères européens. Jean-Pierre Orand, directeur de l’ANMV, a eu l’amabilité de répondre à nos interrogations.
Vetofficine : Bonjour Jean-Pierre, pouvez-vous nous rappeler comment l’ANMV intervient dans le circuit complexe du médicament vétérinaire en France ?
Jean-Pierre Orand : L’ANMV évalue les risques inhérents aux médicaments vétérinaires, et délivrent les autorisations administratives relatives aux médicaments vétérinaires, à leur fabrication, décide des éventuelles suspensions, et gèrent avec l’industrie les rappels de lots…En ce qui concerne les établissements pharmaceutiques et leur contrôle, elle est en charge de la fabrication et la distribution en gros. Pour les contrôle de la mise en œuvre de la législation au niveau des ayants droit, c’est une responsabilité conjointe des ministères de la Santé et de l’Agriculture par l’inspection de la pharmacie (gérée au niveau des directions départementales DDPP et des ARS).. Ces deux ministères sont en charge de l’adoption de la réglementation nationale relative au médicament vétérinaire dont l’arrêté ministériel qui définit la liste actuelle des substances exonérées
Vetofficine : À votre connaissance, une révision de la liste des exonérations de la règlementation des substances vénéneuses pour animaux de compagnie, promulguée en 2012 par l’arrêté du 24 avril 2012, est-elle à l’ordre du jour dans un avenir proche ?
Jean-Pierre Orand : Pas à ma connaissance, nous n’avons pas instruit une telle demande depuis de très nombreuses années. Mais je pense que, sous réserve des textes que vont adopter les ministères de la santé et de l’agriculture, la nouvelle législation européenne, entrée en vigueur en janvier dernier, devrait changer les procédures nationales en les simplifiant. En effet, les différents intervenants, ministère de la Santé et ministère de l’Agriculture, ont déposé auprès du Conseil d’État une ordonnance pour modifier le code de la Santé publique afin d’y intégrer la nouvelle règlementation européenne.
Vetofficine : Qu’est-ce qui va changer avec la transposition de la règlementation européenne et sous quel horizon ?
Jean-Pierre Orand : Actuellement, la procédure d’exonération d’une substance est complexe. Une demande est instruite par les différents ministères — sur la base d’un rapport scientifique de l’ANMV — puis, si la décision est favorable, la molécule est ajoutée la liste d’exonération. Un laboratoire peut alors déposer un dossier à l’ANMV afin d’obtenir une AMM qui exonère le médicament d’ordonnance.
Ce circuit complexe et long devrait être simplifié, sous réserve que l’ordonnance soit approuvée par le Conseil d’État de que la rédaction des décrets d’application par les différents ministères soit conforme à nos prévisions. Les médicaments vétérinaires seront alors déconnectés de la règlementation sur les substances vénéneuses ; ainsi nous n’aurons plus la notion de liste I et II. Du fait de l’application du règlement européen en droit français, l’ANMV décidera, lors de la délivrance de l’AMM, si le médicament est sur ordonnance ou pas. Le système d’exonération n’existera plus au niveau des médicaments vétérinaires ! L’ordonnance devrait être validée par le Conseil d’Etat, puis publié au JORF avant le 4 avril 2022, puis viendront les décrets d’application sous moins d’un an. En 2023, tout devrait être en place.
Vetofficine : C’est un bouleversement, l’initiative pour les laboratoires et face à eux un seul interlocuteur, l’ANMV !
Jean-Pierre Orand : Avec la nouvelle règlementation européenne, nous aurons une harmonisation des médicaments devant être prescrit par ordonnance dans tous les états membres. En France, nous avons à peu près les mêmes critères que ce que prévoit le nouveau règlement (R2019/6). D’ailleurs, plus de 95 % des médicaments sont autorisés dans le cadre d’une procédure européenne. C’est l’article 34.1 du règlement européen qui définit les critères pour lesquels le médicament doit être sur ordonnance et c’est l’article 34.3 qui définit les critères qui permettent l’exonération d’une ordonnance. C’est donc sur la base de ces articles, que l’ANMV, sollicitée lors d’un dossier d’AMM déposé par un laboratoire, statuera sur la possibilité d’exonérer d’ordonnance un médicament vétérinaire.
Vetofficine : Si on dépasse une approche « principe de précaution » poussée à l’extrême, pourquoi autant de restrictions pour la mise à disposition des pharmaciens de médicaments sans ordonnance, à destination des animaux de compagnie, particulièrement pour la prise en charge de la douleur (AINS courant), des dermocorticoïdes, des collyres et bien d’autres ? Alors qu’ils sont en vente libre pour les humains et notamment les enfants.
Jean-Pierre Orand : Premier élément de réponse, il y a peu de médicaments OTC pour animaux, car de nombreuses spécialités sont mixtes animaux de compagnie et animaux de rentes et il existe la possibilité de la cascade vers les animaux de production qui rend nécessaire une sécurisation du consommateur. Même des anti-inflammatoires basiques doivent justifier de LMR lorsqu’ils sont administrés à un animal de rente. Le second élément de réponse est à chercher auprès des laboratoires pharmaceutiques. Si aucune demande n’est faite pour exonérer un médicament, nous n’instruisons pas cette possibilité.
Vetofficine : Si on vous entend bien, les laboratoires doivent attendre quelques mois que les décrets soient publiés, et puis déposer des dossiers bien ficelés qui respectent les critères de l’article 34.3, afin d’offrir aux pharmaciens les médicaments vétérinaires OTC qu’ils attendent. C’est bien cela ?
Jean-Pierre Orand : Pour l’instant, il faut rester prudent, mais nous mènerons à bien nos missions pour tous les laboratoires qui en feront la demande, dans le respect des critères adoptés dans notre législation.
*Agence Nationale du Médicament vétérinaire (ANMV)
La transposition de la législation européenne va simplifier la commercialisation d’un médicament vétérinaire sans ordonnance
La nouvelle législation européenne, entrée en vigueur en janvier dernier, devrait changer les procédures nationales en les simplifiant. Il y aura une harmonisation des médicaments devant être prescrit par ordonnance dans tous les états membres. C’est sur la base de l’article 34.3 du règlement européen, qui définit les critères qui permettent l’exonération d’une ordonnance, transposé au niveau national, que l’ANMV, sollicitée lors d’un dossier d’AMM déposé par un laboratoire, statuera sur la possibilité d’exonérer d’ordonnance un médicament vétérinaire.
Contraceptifs oraux pour chiens et chats : la tendance n’est pas à la libéralisation
En ce qui concerne les contraceptifs oraux pour animaux de compagnie, la législation n’ira pas vers la libéralisation, car nous observons une augmentation du nombre de cas d’effets indésirables. Dans de nombreux pays d’Europe, les prescriptions sont limitées à 3 mois. Or, certaines personnes donnent à leurs animaux des contraceptifs oraux à vie, ce qui n’est pas souhaitable. Le diagnostic et le suivi du vétérinaire nous paraissent indispensables pour sécuriser l’usage et réduire les risques d’effets secondaires. La gestion de la contraception orale nous parait complexe. La politique du ministère de l’Agriculture favorise la stérilisation, quitte à la rendre plus accessible pour les plus démunis. L’ANMV dispose des chiffres de pharmacovigilance dont nous ferons état dans une future publication.
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